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32 CHAPITRE II. — ORIGINES DE LA TRAGÉDIE

si appropriées à son instinct dramatique. C'était un plai- sir pour lui que d'insulter dans des chants de triomphe les ennemis de son dieu, qui devenaient alors ses propres ennemis; et c'en était un autre que de souffrir avec lui et do se lamenter sur ses malheurs. Ces alternatives étaient si bien le caractère des chœurs tragiques, qu'on finissait, ce semble, par donner le même nom à d'autreç formes du lyrisme religieux, oii elles se retrouvaient. Hérodote, dans le passage cité plus haut, appelle chœurs tragiques ceux qui célébraient à Sicyone les souffrances du héros Adraste. C'est qu'en effel, quel que fût le sujet des chants et le costume des choreutes, on sentait alors confusément qu'un genre nouveau prenait naissance, un genre dont le dithyrambe proprement dit était le type, mais qui comportaitd'aillcurs d'assez notables variations. Son seul caractère distinctif, c'était d'être, entre tous, le genre pathétique par excellence. Procédant directement du vieux chant populaire des satyres, il s'appelait tragi- que par tradition, alors même que la signification propre du mot n'était plus justifiée*.

Lorsque Aristote parle des improvisations qui ont été le début de la tragédie, c'est sans doute à ces représen- tations lyriques qu'il fait allusion 2. Même après Arion, le dithyrambe gardait beaucoup de son ancienne liberté; Des innovations musicales ne doivent pas être conçues comme une sorte de loi nouvelle, qui, du jour au lende- main, se serait imposée partout impérieusement. Arion avait montré à Corinthe un type de dithyrambe plus beau, plus correct, plus savant. OnTimitait, çà et là, du mieux qu'on pouvait, mais librement. Chaque ville, chaque vil-

1. M. de Wilamowitz, dans son Euripides Héraclès (t. I, ch. 2), prend à la lettre le mot Tpaycxdç et admet que les chœurs de Sicyone, même quand ils chantaient Adraste, étaient formés de choreutes dé- guisés en satyres. L'ancienne hypothèse parait plus vraisemblable.

2. Poétique, c. 4.

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