Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/452

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

440 CHAPITRE X. — ORIGINES DE LA COMÉDIE

SOUS cette légèreté effrontée, la misère du vice apparaît crûment. Cette façon de peindre est d'un maître.

« Je dîne avec quiconque veut de moi; il suffit de m'invi- ter; — et même avec qui ne me veut pas; Tinvitation est su- perflue. A table, je suis plein d'esprit, je fais rire tout le monde, et je loue celui qui reçoit. Si quelqu'un s'avise de le contredire, je m'emporte, moi, contre ce quelqu'un, et je me charge de la querelle. Ensuite, quand j'ai bien mangé et bien bu, je m'en vais. Point d'esclave qui m'accompagne, la lanterne à la main. Je chemine, non sans faux pas, à travers l'ombre, tout seul, Si par hasard, je rencontre la garde, je tiens pour une grande faveur des dieux que ces gens-là ne me frappent pas et qu'ils se contentent de me cingler à coups de bâton. Et quand j'ar- rive enfin chez moi tout moulu, je me couche sur la dure, et tout d'abord je ne peux pas dormir, jusqu'à ce qu'enfin le bienfait du vin pur se fasse sentir à mes esprits *. »

Si une heureuse fortune nous avait conservé le Pay- san^ les Rapines, la Mégarienne^ que de bonnes et fran- ches peintures de co {^enre n*aurîons-nous pas, où revi- vraient pour nous quelques-uns des types les plus curieux du peuple grec de Sicile I Le costume des gens, leur al- lure, leurs gestes, leur démarche n'y seraient pas moins vivement dessinés que leurs mœurs. Trois vers fort mu- tilés de la Méyarienne nous laissent entrevoir l'amusant croquis d'une femme maigre et anguleuse, caricaturée lestement en deux ou trois comparaisons avec une verve spirituelle. On croit la voir « plate en avant, pointue en arrfère comme une raie, sèche comme un scorpion, avec la tête osseuse d'un cerf ^ » Celui qui a écrit cela avait dans l'imagination quelque chose de la netteté mordante et de l'âpire fantaisie d'Archiioque.

De pareilles comédies étaient nécessairement pleines de philosophie, puisqu'elles étaient pleines de vérité. Mais les témoignages anciens font d'Épicharme un philosophe

1. Didot, V. 29-43.

2. Didot, V. 129-132.

�� �