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36 CHAPITRE II. — ORIGINES DE LA TRAGÉDIE

assurant ainsi leur place, on se débarrassait d'eux par- tout ailleurs, et cela permit Theureuse transformation qui fit passer la tragédie de la forme satyrique à la forme purement héroïque. Ce changement s'accomplit plus ou moins vite, selon les lieux, selon les poètes, selon le public. Mais, une fois commencé, il s'accomplit sûrement. Le public en Grèce avait un instinct trop juste des con- venances pour n'en pas sentir vivement les avantages.

Un autre progrès, simultané, fut la transformation du narrateur en acteur proprement dit. A défaut de rensei- gnements sur ce point, on ne peut qu'indiquer en gros et par à peu près ce qui dut se passer. Ce fut évidem- ment le chœur, assujetti déjà à la fiction dramatique, qui peu à peu y attira le narrateur. Un poète, peut-être Thespis, imagina de faire de Vè^i^jm du dithyrambe devenu tragédie un être fictif, directement intéressé comme les choreutes au sujet choisi. Cela était si naturel et si propre à augmenter l'intérêt qu'on dut renoncer aussitôt à faire autrement. Selon le mot d'Aristote, un des éléments du drame venait d'apparaître. Dans les tra- gédies dionysiaques, l'ancien narrateur devint ainsi ou Bacchus lui-même, ou l'un de ses ennemis, parfois encore un des premiers propagateurs de son culte. Dans les tragédies héroïques, il représenta, suivant les circons- tances, tel ou tel des personnages célèbres de l'épopée. Le plus souvent même, il dut jouer successivement plu- sieurs rôles divers. Tour à tour héros, dieu, messager, il sortait et rentrait, apportant chaque fois au chœur de nouveaux sujets qui lui permettaient de varier ses chants. Au fond, il ne faisait que ce qu'avait fait avant lui le nar- rateur primitif. Mais il le faisait beaucoup mieux. Car il

Pour concilier ce fait avec celui de l'emploi de chœurs purement héroï- ques, n'est-il pas nécessaire d'admettre que les satyres paraissaient à un certain moment ? C'est d'ailleurs aussi ce qui explique le mieux l'union du drame satyrique et de la tragédie dans la tétralogie.

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