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512 CHAPITRE XI. — COMÉDIE ANCIENNE

de la grandeur même dans d'autres, comme par exemple dans la parodos des Nuées. D'autre part, quand elle pa- rodie la tragédie ou le dithyrambe, elle emprunte à ces genres leur langage pompeux, pour les tourner en ridi- cule, et dans ce dessein elle en exagère la pompe ou elle en imile les procédés en les travestissant. Ce sont là des cas exceptionnels, qu'il faut signaler sans doute, mais qui ne peuvent servir à caractériser d'une manière générale ses habitudes d elocution.

Celles-ci se manifestent dans le dialogue proprement dit, qui est vraiment le corps même de la comédie. Ce qui en fait le fond, selon la remarque de Quintilien, c'est le plus pur attique, mais il faut ajouter qu'il s'offre là sous une forme toute familière, populaire même, qui le dis- tingue de celui qu'on entrevoit dans la tragédie en la dé- pouillant de ses termes poétiques, ou qu'on trouve dans les dialogues socratiques. Nulle prétention, point de con- venance gênante, aucun souci de bonne ^tenue; une aisance charmante, l'abandon, la simplicité, une grâce vive, le franc parler le plus libre ; les choses nommées par leur nom, quelles qu'elles soient; par suite tout un vocabulaire qui vient du port ou de la halle, des injures, des mots salés, d'autres qui sont purement ignobles, mais aussi mille tours heureux, mille traits descriptifs, des termes tout vivants, qui ne sentent point l'école, de vraies phrases de conversation, jetées hardiment, au ha- sard, et non préparées. C'est le parler de l'agora ou du Pirée, mais plus fin, plus rapide, plus élégant, perfec- tionné selon son génie propre et son instinct par des esprits d'élite.

Sur ce fond, la fantaisie créatrice des poètes se joue. Elle emprunte aux vieux poètes iambîques, aux chansons du peuple, ou, quand elle le juge à propos, elle crée elle- même, selon leur tradition. Les mots qu'elle invente sont de formes infiniment variées : longs composés où s'a-

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