532 CHAPITRE XII. — ARISTOPHANE
lité de son génie s'y révèle, mais il importe, pour le bien juger, de tenir compte des temps.
Dans la première période de sa vie littéraire, qui va de 427 à 421, toutes ses pièces ont quelque chose de hardi, de net, de décidé. C^est le plaisir mémo de la lutte, c'est l'espérance d'une victoire difficile qui semble alors le stimuler le plus vivement. Il entreprend des démons- trations qui semblent impossibles, il imagine à dessein les situations les plus paradoxales et les plus défavo- rables en apparence à son intention finale : il veut ga- gner sa cause avec éclat, et il tient à prouver qu'il n'a peur de rien et qu'il peut venir à bout de n'importe quoi. Mais sous cette hardiesse, presque fanfaronne, se cache une habileté remarquable. L^auteur a Tinstinct de la po- litique ; il sait sur quelles alliances secrètes il peut comp- ter, à quels sentiments plus ou moins latents il doit faire appel. Agressif et pétulant, il a d'ailleurs, quand il le faut, la main douce et légère : il flagelle et il cçiresse, il insulte et il flatte.
En 425, la guerre est dans toute sa force ; les syco- phantes dénoncent quiconque parle de traiter; le patrio- tisme dans rassemblée est ardent et surexcité. Belle occasion pour Aristophane : il se sent tenté d'oser sur le théâtre ce que personne ne risquerait alors à la tribune; il va plaider en faveur de la paix. Ce qu'on dit tout bas çà et là, ce qu'on pense souvent quand on ne le dit pas, il entreprend, lui, deTénoncer tout haut. Delà ses Achat- niens. D*un côté, un ami de la paix, un brave paysan, Dicéopolis ; de l'autre, tout un chœur belliqueux, les rudes Acharniens du Parnès, gens querelleurs, prompts aux coups, puis Lamachos, le taxiarque, puis l'indispen- sable sycophante, et derrière eux, Cléon, qu'on entrevoit dans le lointain. Comment ce pauvre campagnard, seul, tiendra-t-il tète à tant d'adversaires ? C'est là justement le triomphe du poète : Dicéopolis est seul sur la scène,
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