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COMÉDIES SUBSISTANTES 533

mais il a bien des alliés dans le cœur de chacun ; il sort vainqueur du conflit, et sa victoire est due à la fois à 1^ folie et à la raison : il convainc ceux qui voulaient l'as- sommer sans l'écouter, il se moque de ceux qu'il n'a pas convaincus, il a des arguments pour les raisonneurs et des démonstrations de fait pour la multitude. Tout cela déborde d'invraisemblances et de bouffonneries, et c'est l'excuse des hardiesses : mais, sous ces bouffonneries, qui ne sent la flncsse avisée ? Elle est dans l'appel vif, par images pressantes et séduisantes, par évocation riante des choses familières, aux sentiments cachés, inavoués, réprimés, mais de jour en jour plus puis- sants.

Plus hardie encore et non moins habile est la comédie des Chevaliers (424). Là aussi, le poète s'attaque de front à un engouement populaire, à la faveur dont jouit alors l'orateur Cléon, véritable maître du peuple. De quoi est faite cette faveur, selon lui? De mensonges, de flatteries, d'intrigues et d'impudence grossière. Voilà ce qu'il ose dire au peuple. Il fallait bien aimer le combat pour aller chercher un tel sujet. Le paradoxe ici, c'est de faire rire le peuple de lui-même, et c'est ce qu'il entreprend. Sous le nom de Démos, il personnifle tout un aspect de son caractère, celui qui le rend apte à être dupé, par consé- quent ses principaux travers, depuis le goût de la flat- terie jusqu'à la crédulité niaise. Puis, en imaginant la rivalité d'Agoracrite et de Cléon, il fait sentir ce que peuvent être, pour réussir auprès d'un maître ainsi fait, les mérites des serviteurs. Ainsi l'opinion souveraine est prise corps à corps : ce sont les motifs même de la faveur populaire que le poète discute ou qu'il bafoue. Toute celte bouffonnerie est militante jusqu'en ses moin- dres parties. L'habileté ici, c'est d'abord le beau rôle donné aux chevaliers : le poète les flatte pour qu'ils soient avec lui ; il leur emprunte leur crédit, le prestige

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