SES PERSONNAGES 551
entrent et sortent, chacun d'eux apporte quelque présent à Démos, déballe ses oracles, vide sa corbeille ; la mi- mique faisait encore ressortir ce progrès, qui s'efface en partie pour le lecteur, surtout dans une traduction.
En ce genre, Aristophane a l'esprit merveilleusement inventif; et ce qu'il faut remarquer surtout, c'est qu'il invente sans effort apparent. Il a, jusque dans Textraor- dinaire, une simplicité vraiment attique. Nous en juge- rions mieux si nous pouvions le comparer à ses contem- porains. Il semble, d'après les témoignages anciens, que tel d'entre eux, Eupolis par exemple, eût plus d'audace que lui ; Aristophane paraissait réservé par comparaison. Ce goùldes moyens simples, cette discrétion native, on doit les considérer comme un signe de force. Il est plus facile d'évoquer des morts illustres sur la scène que d'a- muser un public intelligent avec les actes et les propos d'un bon paysan. D'une donnée presque vulgaire faire naître toute une série de scènes excellentes, pleines de gaieté, d'entrain satirique et bouffon^ c'est ce dont un^ génie supérieur est seul capable.
Tel nous venons de le voir dans l'invention et la liai- son des scènes, tel nous allons le retrouver dans la con- ception dos personnages.
V
Par nature, on s'en souvient, les personnages de Tan- cienne comédie sont en dehors de la réalité. Il faut partir de ce principe pour bien apprécier le mérite d'Aristo- phane. Ce mérite est double. D'une part, il prend ses personnages pour ce qu'ils sont, suivant les cas, des al- légories vivantes, des caricatures grotesques, de simples bouffons ; en cela, il appartient au genre qu'il a choisi, bien qu'avec des qualités toutes personnelles. Mais, d'au- tre part, il ne s'en tient pas là : il leur prête des senti-
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