Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/566

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révéler la puissance créatrice. Ces observations s*appliquent à la multitude des personnages épisodiques qui remplissent les pièces d’Aristophane. Non seuleoient il n’y en a pas un seul d’insignifiant, mais il n’y en a peut- être pas un non plus, en qui on ne saisisse quelque trait frappant de vérité. Voyez, dans les Acharniens, le Méga- rien, le Béotien, écoutez-les parler dans leur dialecte na- tif, faites dans ce qu’ils disent la part de la fantaisie extravagante, et demandez-vous si cette extravagance est le tout de leur rôle; il est impossible de lo soutenir ; ils diffèrent l'un de l'autre par autre chose : l’un est plus madré, l'autre plus rond et plus lourd; voilà l’observation. Il y en a aussi, et du même genre, dans tous ces personnages qui sont des types de classes ou de profes- sions, les sycophantes, les devins^ les marchands de toute sorte, les prêtres. Qui ne se représente le bon Proboulos de Lysistrate, honnête magistrat, ami de la paix, très pénétré de son importance, mais tout ahuri par le verbiage impertinent de cette maîtresse femme, qui se moque de lui ? Et l'archer scythe des Fêtes de Démêler^ cette grosse bête finaude et sensuelle, qui ne le voit, casque en tête, gardant de près son prisonnier, mais oubliant de se garder lui-même? Ce sont des grotesques, à coup sûr, et il serait bien fâcheux qu’ils ne fussent pas ainsi ; mais^ par quelque chose, ces grotesques sont des hommes; la fantaisie n’est en eux qu’une folle saillie de la réalité.

Si cela est vrai des comparses, à plus forte raison lo sens puissant de la vie doit-il éclater dans la conception des grands personnages. Chez tous, c’est par la volonté que se révèle la force vivante. Or le spectacle d’une volonté agissante, n’est-ce pas toujours celui d*un caractère ? Au sens dramatique, un caractère, ce n’est qu’une manière personnelle de vouloir.

Dicéopolis veut la paix, il la veut en dépit de tous et