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LE POÈTE LYRIQUE 561

voilà un chœur, celui des morts dans les Grenouilles par exemple, qui entonne un couplet satirique :

« Voulez-vous, voulez-vous qu'à nous tous, — nous nous moquions d'Archédémos? — A sept ans, il ne s'était encore engendré ni père ni mère; — aujourd'hui, c'est un des chefs du peuple, — un grand chef entre les morts qui sont là haut, — le premier des hommes par la canaillerie *. »

Cette sorte de chanson agressive, légère, pétulante, était aussi grecque qu'elle est française. Mais en Grèce, elle tenait plus de Tiambe populaire, dionysiaque, elle était plus folle et plus méchante à la fois. Chez Aristo- phane, elle n'a aucun frein, ni de raison, ni de pudeur. Brusquement, elle se jette à la tête d'un homme, et elle Taccable de propos incohérents, qui sont souvent autant d'obscénités. Peu importe que tout cela ait ou n'ait pas un sens et une suite ; on croit tenir une idée et on tombe dans une série de coq-à-ràne; c'était là justement le plaisir du peuple, pourvu que ces calembredaines fussent bouffonnes. Aristophane a une verve extraordinaire dans ce genre d'extravagance mordante. Écoutez le chœur des Acharniens, quand il se plaint de la lésinerie du chorège Antimachos aux dernières Lénéennes. On ne peut tout traduire, mais ce qui suit suffît pour donner l'idée de cette sorte d'invention cynique et à demi incohérente :

« Antimachos, fils de Psacas, poète sordide, chez qui pullu lent les vers (rôv ptûsov twv jias^swv ttoiïjtïjv) — je ne souhaite qu'une chose : c'est que Zeus t'extermine ; — chorège des Lénéennes, hélas I qui me renvoyas le ventre creux. — Ah | si je pouvais te voir en appétit devant une seiche, — une belle seiche au gros sel, sifflante encore de la grillade, — qui serait là, devant toi, sur la table, comme une épave; déjà tu tends la main vers elle.., un chien la happe et s'esquive,

)) Ah I que ce serait donc bien fait pour lui ! En outre, un

1. GrenouilleSy 416 et suiv.

Hist. de la Litt. grecque. — T« III. 36

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