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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/597

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TRANSFORMATION DE LA COMÉDIE 585

c'est de ne dire et de n'écouter que ce qui convient à un homme comme il faut et vraiment libre. Car il y a, même en matière de plaisanterie, des convenances qui s'impo- sent à un tel homme, soit quand il parle, soit quand il écoute. La plaisanterie de Thomme libre diffère de celle de Thomme servile, celle de Thomme bien élevé de celle de l'ignorant. On peut s*en rendre compte en comparant la comédie d*autrefois à celle d'aujourd'hui. L'une faisait rire avec des mots grossiers (a!(7yûoXoyix), l'autre se fait comprendre à demi-mots (utwovoioc); il y a une grande différence entre ces deux manières au point de vue des convenances. » Cette sorte de délicatesse (êXgu9epi6nQç), dont parle ici le philosophe, voilà le sentiment nouveau qui, plus que toute autre chose, a transformé la comédie. ËnQn il faut tenir compte aussi des raisons littéraires. La comédie ancienne était le triomphe de la fantaisie; or cet essor libre et capricieux de l'imagination suppo- sait une jeunesse d'esprit qui ne pouvait avoir qu'un temps. Le quatrième siècle est moins poétique et plus ré- fléchi que le cinquième : c'est le temps des prosateurs exquis, des fines observations, de l'analyse, des discus- sions élégantes. De plus en plus, on s'attache à la réalité; on veut en tout de la vraisemblance. Comment les inven- tions extravagantes s'épanouiraieut-elles à leur aise dans un monde où l'on goûte si vivement la saine raison? Les qualités nouvelles excluent les anciennes, c'est la loi des choses. La fantaisie disparaît donc, et avec elle l'in- cohérence dont elle était l'excuse. Du moment que la co- médie n'est plus une folle échappée de l'imagination, la voilà prise par la réalité et obligée de s'assujettir aux règles naturelles de la composition. Plus de défilés bouf- fons, plus d'épisodes saugrenus : il faut supprimer ce va-et-vient tumultueux ; il faut imaginer une action qui

c'est-à-dire entre 335 et 323 (Zeller, Philos, der Griechen^ 2« partie, 2« sect., p. 28 et 159).

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