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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/97

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LES ACTEURS 85

supposer même qu'ils le furent seuls, tant que chaque tragédie n'exigea qu'un acteur unique. Toutefois, comme ils pouvaient être empêchés au jour voulu, il y a plutôt lieu de croire que, dès ce temps, les poètes eurent des hommes de confiance pour les suppléer au besoin. En tout cas, dès qu'il y eut un deutéragoniste attitré, la pro- fession d'acteur devint nécessairement indépendante de celle de poète. Les gens qui en firent métier s'y distin- guèrent par des aptitudes spéciales, que l'exercice déve- loppait. Il en résulta que les poètes trouvèrent bientôt avantage à leur céder la place. C'est ainsi que, au temps d'Eschyle déjà, Cléandros d'abord, et, un peu plus tard, Mynniscos de Chalcis acquirent une réputation en jouant ses pièces. Cela laisse supposer que le poète leur attri- buait, quelquefois au moins, les premiers rôles *. Sopho- cle joua encore lui-même dans sa jeunesse ; puis la fai- blesse de sa voix l'y fit renoncer 2. Mais déjà l'ancien usage achevait de se perdre, et bientôt la profession d'ac- teur s'organisa complètement. Il semble qu'au début ceux qui s'y adonnaient aient été indépendants les uns des au- tres. Plus tard, on vit se former de petites troupes, qui avaient parfois pour chef un protagoniste, menant avec lui ses auxiliaires; et enfin, après la période attique sur- tout, de larges associations, qui étaient en même temps des confréries. Il suffit ici d'indiquer ces faits sans y in- sister ^ En revanche, n'omettons pas de remarquer que les acteurs tragiques en Grèce participèrent longtemps au caractère sacré de la tragédie elle-même. Ils devaient à leur profession une sorte d'inviolabilité, grâce à laquelle ils étaient accueillis partout. On en profita pour les char- ger parfois de missions diplomatiques ; d'où Ton doit con- clure qu'ils n'étaient l'objet d'aucune mésestime.

1. Vie d'Eschyle, p. 121, 79, Westermann.

2. Vie de Sophocle, p. 127, 26, Westermann.

3. Voy. Foucart, De coUegiis scenicorum artificum^ Paris, 1873.

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