Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t4.djvu/121

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causes et des effets devient impossible ; toute clarté disparaît de l’histoire. Thucydide attache le plus grand prix à l’exactitude et à la précision de la chronologie. On peut dire que c’est une des nouveautés de son livre que le soin constant qu’il apporte à indiquer avec vérité la date de chaque événement. Il en comprend si bien la nécessité qu’il ne s’est même pas contenté des indications chronologiques que lui fournissait le calendrier (ou pour mieux dire les calendriers) en usage dans la Grèce de son temps ; il a voulu faire plus et mieux ; il s’est ingénié à créer tout un système d’indication fondées non sur des calendriers variables et plus ou moins arbitraires, mais sur des faits naturels, c’est-à-dire constants et universellement reconnaissables : d’abord, dans chaque année, la distinction capitale entre la belle saison (θέρος) et la mauvaise (χειμών) ; — la première d’environ huit mois, la seconde de quatre[1] ; l’une surtout remplie par les opérations militaires de toute sorte, l’autre consacrée au repos ; — ensuite, dans la première et la plus longue de ces deux divisions annuelles, l’établissement d’un certain nombre de dates correspondant aux divers degrés de la croissances des blés ou de l’avancement des travaux champêtres : premier éveil du printemps (ἅμα ἦρι ἀρχομένῳ), le blé en herbe (τοῦ σίτου ἔτι χλωροῦ ὄντος}, la formation de l'épi (περὶ σίτου ἐκβολήν), la maturité commençante (τοῦ σίτου ἀκμάζοντος), la rentrée des récoltes (τοῦ καρποῦ ξυγομιδή), la vendange (τρυγητός), les derniers beaux jours (ὀπωρα, φθινόπωρον)[2].

  1. Thucydide dit (VI, 21, 2) : μηνῶν οὐδὲ τεσσάρων τῶν χειμερινῶν. C’est ainsi qu’il compte toujours, comprenant dans l'été la plus grande partie du printemps et de l’automne. Aussi ne faut-il pas prendre au pied de la lettre ce qu’il dit sur la belle et sur la mauvaise saison, qui composent chacune pour moitié la durée totale de l’année (ἐξ ἡμισείας ἑκατέρου τοῦ τὴν δύναμιν ἔχοντος (V, 20, 3). Dans cette manière de parler, les deux moitiés ne sont pas égales.
  2. Le commencement du printemps, pour Hésiode (Travaux, 564), se