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CHAPITRE IV. — LA POÉSIE ALEXANDRINE

le fond, en effet, il ressemble à un mime. C’est le monologue d’une amante délaissée : mais, à la différence d’un monologue purement lyrique, il comporte un peu d’action : on voit, par les derniers vers intelligibles, que l’amante est arrivée peu à peu devant la maison de l’infidèle et qu’elle le supplie ; elle va peut-être le ramener à elle. Il y a donc, dans ce simple monologue, tout un petit drame ; ce n’est pas un morceau simplement lyrique : c’est un véritable mime. Le nom de l’auteur est inconnu, ainsi que la date où il écrivait : la copie que nous avons sous les yeux a été faite probablement vers le milieu du second siècle[1] ; le morceau peut être du troisième aussi bien que du second. Le mérite littéraire n’en est pas méprisable. Sauf une trace ou deux de bel-esprit, ces plaintes entrecoupées, d’un mouvement rapide et haletant, sont vraiment pathétiques. L’amour qu’elles expriment est purement physique, mais il est touchant par sa sincérité, par sa profondeur, par son humilité, car il a plus de douceur suppliante que de fureur. L’amante délaissée est jalouse de sa rivale, mais elle est surtout éprise de son amant : un peu de pitié la soulagerait[2] ; elle s’efforce de parler raison[3]. À côté de la Médée d’Apollonius et de la Magicienne de Théocrite, il y a là une fine esquisse, originale et vivante. — Le dialecte est la κοινή, mélangée de quelques ionismes.


Les mimes d’Hérodas, récemment retrouvés aussi, sont un monument littéraire beaucoup plus important. Jusqu’à ces derniers temps, Hérodas n’était plus guère qu’un nom : quelques fragments insignifiants ne pou-

  1. Le recto du papyrus porte un contrat de l’année 173 ; nos vers grecs sont écrits au verso (un peu plus tard évidemment).
  2. Vers 14-15.
  3. Vers 25-27.