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THÉOCRITE : LES SYRACUSAINES

Gracieuse Bombyca, tes pieds sont des osselets, ta voix, une morelle ; ton air, je ne le peux dire[1].

D’autres chants de bergers sont consacrés à des légendes populaires de la Sicile, en particulier à celle du beau Daphnis, aimé de la Nymphe Naïs, mort à la fleur de l’âge et pleuré de toutes les divinités champêtres[2]. Alors le ton s’élève et le grand poète qu’est Théocrite peut se donner libre carrière.

Par là, en outre, il est conduit naturellement à faire entrer le mythe d’une façon plus directe dans l’idylle, selon l’instinct de la poésie grecque. Daphnis devient à son tour un personnage des mimes rustiques : ce n’est plus le berger réel et contemporain, c’est une sorte de berger mythique et idéal[3]. Il en est de même de Polyphème, le Cyclope, qui n’est, dans la VIe Idylle, que le sujet d’une chanson rustique, mais qui devient, dans la XIe, le chanteur lui-même. L’idéal ainsi et la poésie pure, sous leur forme traditionnelle du mythe, entrent de plain pied dans le mime rustique.

Ajoutons enfin qu’une fois, dans la première Idylle, un autre motif cher aux Alexandrins, la description des œuvres d’art, est accueilli par Théocrite : le chevrier offre à Thyrsis une coupe « profonde, enduite de cire parfumée, à deux anses, toute neuve, et qui sent encore le travail de l’artiste. » Sur cette coupe, des scènes rustiques ont été ciselées. Le poète s’amuse à les décrire. Il fait là, à sa façon bucolique, son « bouclier d’Achille. »

À côté de ces idylles franchement rustiques, les Syracusaines forment à beaucoup d’égards un genre à

  1. Idyll. X, 24·37.
  2. Idyll. I.
  3. Idylles VI et VIII.