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CHAPITRE IV. — LA POÉSIE ALEXANDRINE

genre est sorti de lui, le genre bucolique, d’abord par d’autres alexandrins que nous retrouverons tout à l’heure, ensuite par Virgile et par tous les imitateurs de Virgile, enfin par André Chénier, qui se rattache directement à Théocrite. Cette rare fortune de créer un genre, de faire entrer définitivement dans la littérature une forme de poésie jusque là instinctive et populaire, rapproche Théocrite des créateurs de l’âge classique. Il s’en rapproche aussi par son mérite propre, puisqu’il a su retrouver, dans un âge d’érudition et d’imitation, la sincérité du sentiment, la sobriété vigoureuse et harmonieuse de la forme.


Léonidas de Tarente, auteur d’épigrammes, est loin d’égaler Théocrite : il faut pourtant le ranger à côté de lui si l’on veut se rendre compte du mouvement général de l’art dans cette période : car il a tenté, lui aussi, de combiner un certain réalisme avec la pure poésie[1]. C’est un contemporain de Théocrite, un peu plus jeune peut-être. Dans une de ses épigrammes, il célèbre Pyrrhus, roi d’Épire[2]. Le nom de Théocrite se rencontre deux fois dans ses vers[3], mais sans qu’on puisse dire au juste si c’est du poète qu’il s’agit où d’un homonyme. Il paraît cependant l’avoir connu et goûté, car il s’est certainement inspiré plusieurs fois des idylles[4]. Sa vie semble avoir été errante et pauvre[5]. Il mourut loin de sa patrie, sans avoir acquis la richesse, mais confiant dans sa renommée future[6]. — Sa confiance n’était pas téméraire :

  1. Anthologie de Jacobs, t. I, p. 153, 181 ; Delectus poetarum Anthologiae graecae, de Meineke, p. 24-52. Cf. Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. XII.
  2. Anthol. Pal., IX, 25 (Jacobs, t. I, p. 159, ép. 2).
  3. Épigr. 26 et 71 (dans Jacobs).
  4. Épigr. 27 et 98.
  5. Épigr. 13.
  6. Épigr. 400. Cette épigramme, en forme d’épitaphe, semble avoir été composée d’avance par Léonidas lui-même.