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LÉONIDAS DE TARENTE

les Muses en effet, comme il le dit lui-même, l’avaient aimé. Nous possédons sous son nom cent épigrammes qui appartiennent à tous les genres alors pratiqués : épitaphes, inscriptions d’offrandes, inscriptions de statues, portraits de poètes ou d’artistes, poèmes de réflexion philosophique ou morale. Beaucoup de ces pièces sont composées pour de petites gens, des pécheurs, des fileuses, qui offrent à quelque divinité les instruments de leur travail ou qui sont morts à la peine. De la une part de réalisme très considérable : les termes techniques et précis, les mots de métier abondent dans son œuvre. Mais un peu d’émotion s’y ajoute, et le poète véritable apparaît. Sa langue et sa versification, sans être d’une pureté classique, sont généralement élégantes. Il a su dire avec charme la douceur d’une existence pauvre et laborieuse[1], la grâce du printemps[2], la fraîcheur d’une fontaine[3], et, une fois même, en s’inspirant de Simonide, le peu qu’est la vie de l’homme, ce point fugitif de la durée entre deux infinis :

Un temps immense, ô homme, s’est écoulé avant que tu vinsses au jour ; un temps immense s’écoulera après que tu seras descendu chez Adès. Qu’est-ce que l’instant de ta vie ? Un point, ou moins encore. Et cette vie est dure ; car ce moment même, loin d’être agréable, est plus pénible que la mort odieuse. Dérobe-toi donc à la vie et fuis vers le port, comme j’ai fait, moi Phidon fils de Critos, — je veux dire vers l’Adès[4].

Mentionnons encore l’ami de Théocrite, le médecin Nicias de Milet, dont il nous reste quelques épigrammes,

  1. Épigr. 55, 78, 91.
  2. Épigr. 57.
  3. Épigr. 58.
  4. Anthol. Pal., VII, 472 (épigr. 70 de Jacobs). Cf. Simonide, fr. 196. — Le texte de cette pièce n’est pas bien établi pour un ou deux détails, sans importance d’ailleurs au point de vue de la pensée générale.