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CHAPITRE VI. — LES GRECS À ROME

grande originalité créatrice manque. Les écoles traditionnelles offrent chacune un corps de doctrine arrêté, qui suffit en général aux besoins des intelligences. La morale, d’ailleurs, continue à être plus goûtée que la métaphysique. Mais il s’opère, sur les confins des écoles, pour ainsi dire, un mouvement d’échanges et d’emprunts qui a sa nouveauté. Dans cet âge d’érudition, l’ardeur des luttes anciennes fait place à une curiosité sympathique et éclectique. De là, sous la diversité des étiquettes officielles, une sorte de philosophie des honnêtes gens, qui doit peut-être quelque chose au peu de goût du monde romain pour les disputes purement dialectiques, et qui, en tout cas, s’adapte mieux ainsi au nouveau milieu dans lequel elle doit se développer. Car c’est à Rome ou en Italie que vivent désormais les philosophes les plus en renom. L’esprit romain, sérieux et pratique, aime les choses morales. Les philosophes sentent le terrain favorable et s’y engagent de plus en plus, en prenant, peut-être par une sorte d’instinct obscur, les précautions nécessaires pour plaire à leurs nouveaux disciples. Comme d’ailleurs quelques-uns de ces philosophes sont des hommes distingués, il vaut la peine d’esquisser rapidement leurs physionomies.

Le premier en date, et l’un des plus remarquables, est le stoïcien Panaitios[1]. Né à Rhodes dans le premier quart du second siècle, il eut pour maîtres, soit à Pergame, soit à Athènes, divers philosophes, et surtout Cratès de Mallos, à la fois stoïcien et grammairien. Il vint à Rome, où il vécut longtemps dans le cercle des Scipions ; il y connut Polybe[2]. Il passa probablement ses

  1. Suidas, Παναίτιος (où le compilateur distingue à tort deux Panaitios). Cf. Schmekel, Die Philosophie der mittleren Stoa, 1892. — Fragments dans Van Lynden, De Panaetio Rh. philosopho stoico, Leyde, 1802.
  2. Cicéron, De Rep., I, 21, 34.