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CHAPITRE II. — D’AUGUSTE À DOMITIEN

monde[1], ce dont Tibère le raillait, en l’appelant « la cymbale du monde[2] ». Son principal ouvrage de « grammairien » fut sans doute le Glossaire homérique dont Eustathe fit grand usage. Nous en avons parlé plus haut. Mais, en outre, il avait fait œuvre d’historien dans un ouvrage qui est cité sous le titre d’Histoire par peuples (Ἱστορία κατ’ ἔθνος)[3]. Cette désignation suggère l’idée d’une sorte de collection historique, dont les parties devaient être plus ou moins indépendantes, et qui probablement ne fut jamais achevée. Il est vraisemblable que ses Égyptiaques (Αἰγυπτιακά), d’où Aulu-Gelle a tiré l’anecdote du lion d’Androclès, n’étaient qu’une section de cette histoire[4] ; on y trouvait mentionné à peu près tout ce qui se voyait ou se racontait de merveilleux en Égypte[5]. Malgré cela, cet ouvrage serait sans doute bien peu connu aujourd’hui, si les imputations injurieuses contre les Juifs, qui en remplissaient le troisième livre, n’avaient donné lieu à la célèbre réfutation de l’historien Joseph. Les citations de celui-ci montrent qu’en touchant à ce sujet, le Grec d’Alexandrie, emporté par la passion antisémitique qui était si ardente dans cette ville, avait fait preuve de beaucoup d’ignorance et de légèreté.

  1. Aulu-Gelle, V, 144. Litteris homo multis præditus rerumque græcarum plurima atque varia scientia fuit. Plus loin : … vitio studioque ostentationis loquacior,… in prædicandis doctrinis suis venditator. — Pline, Hist. Nat., préf., 95 : Immortalitate donari a se scripsit ad quos aliqua componebat.
  2. Pline, Hist. Nat., préface, 25 : Tiberius Cæsar cymbalum mundi vocabat, cum propriæ famæ tympanum potius videri posset. — Joseph, C. Apion. II, 1, l’appelle ὀχλαγωγός. Cf. Pline, Hist. Nat., XXX, 6.
  3. Suidas, Ἀπίων.
  4. Section fort étendue, d’ailleurs, puisque le récit en question est tiré du Ve livre : Aulu-Gelle, V, 14. C’est peut-être la seule qui ait été écrite. Cf. Tatien, ad Græc., 38.
  5. Aulu-Gelle, ibid. : Ejus libri non incelebres feruntur, quibus omnium ferme, quæ mirifica in Ægypto visuntur audiunturque, historia comprehenditur.