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PLUTARQUE ; SA DOCTRINE FONDAMENTALE

de morale pratique des Stoïciens lui ont apporté quantité d’observations, de conseils, de méthodes, dont il a fait son bien, sans parler des sentiments qu’il leur a dus. Sa religion, qui est platonicienne en son essence, nous laisserait voir, elle aussi, quantité d’éléments nouveaux, venus de tous côtés. Nous y noterions la grande importance donnée aux génies ou démons, intermédiaires entre Dieu et l’homme, la tendance à confondre les diverses croyances par un ingénieux système d’interprétation, le besoin d’expliquer l’origine du mal, etc. Sur plusieurs de ces choses nous aurons à revenir tout à l’heure. Il suffit ici d’avertir immédiatement le lecteur, pour qu’il ne se représente pas le platonisme de Plutarque comme une sorte de docilité absolue et exclusive.

Rien n’est plus instructif à cet égard que ses rapports avec l’école péripatéticienne. On a très bien établi que Plutarque, bien loin de fondre dans une doctrine unique les idées de Platon et celles d’Aristote, a toujours témoigné un goût médiocre pour ce dernier et qu’il semble même avoir peu lu ses ouvrages proprement philosophiques[1]. Mais, si cela est vrai, il l’est aussi qu’Aristote et ses disciples ont exercé la plus forte influence sur son esprit par l’exemple qu’ils ont donné de collectionner des faits à titre de documents. Il suffit de voir combien d’informations de détail Plutarque emprunte à Aristote lui-même, à Théophraste, à Straton, pour se rendre compte de ce qu’il leur a dû. Il appelle quelque part Théophraste « celui de tous les philosophes qui a le plus aimé à écouter et à se renseigner » (ἀνδρα φιλήκοον καὶ ἱστορικὸν παρ’ ὁντινοῦν τῶν φιλοσόφων)[2]. Cette qualité, dont il était ravi, il la possédait lui-même au plus haut degré, jusqu’au point où elle confine à un défaut. Elle était naturelle en lui, cela n’est pas douteux ;

  1. Volkmann, ouv. cité, 2e partie, p. 46-25.
  2. Vie d’Alcibiade, ch. x.