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ÉDUCATION DES SOPHISTES

honneurs, à leur activité l’influence et le maniement des grandes affaires,

Mais l’éducation donnée à tous ne suffisait pas à faire le sophiste de profession. Outre les exercices préparatoires qui constituaient l’enseignement ordinaire de l’école, il devait pratiquer des exercices spéciaux et quotidiens, qu’il n’abandonnait jamais impunément, alors même qu’il était en pleine possession de son talent.

En premier lieu, des lectures incessantes. Le sophiste avait besoin de connaître à fond l’histoire politique de la Grèce, depuis le temps de Solon jusqu’à la mort d’Alexandre ; car les sujets qu’il avait à traiter, souvent à l’improviste, étaient presque toujours empruntés à cette période. Il acquérait cette connaissance par la lecture des historiens et des orateurs de l’âge classique, qui devaient lui être familiers. Il fallait également qu’il fût au courant des lois, institutions, usages du même temps, et qu’il eût en mémoire le plus possible de faits curieux, de légendes, d’anecdotes ; mais tout cela s’acquérait par les mêmes lectures, et l’érudition proprement dite lui était étrangère. Outre les historiens et les orateurs, son éducation première lui avait fait connaître les philosophes et les poètes. C’était son intérêt d’entretenir et d’augmenter sans cesse cette connaissance[1] ; car il tirait de tels souvenirs quantité d’idées, de raisons, d’allusions, de citations directes ou indirectes, d’imitations avouées ou dissimulées, sans lesquelles son art eût été impossible. Quant à l’observation directe des choses et des hommes, c’était ce qui lui importait le moins, car il n’en avait que faire.

  1. Philostrate (V. S., I, 21, 5) dit de Scopélien : Προσέκειτο μὲν οὖν ἅπασι ποιήμασι, τραγῳδίας δὲ ἐνεφορεῖτο. Cf. même ouvr., II, 27, 6 : Νικαγόρου δὲ τοῦ σοφιστοῦ μητέρα σοφιστῶν τὴν τραγῳδίαν προσειπόντος, διορθούμενος ὁ Ἱππόδρομος τὸν λόγον· Ἐγὼ δὲ, ἔφη, πατέρα Ὅμηρον. Ce même Hippodromos disait que si Homère était la « voix » des sophistes, Archiloque était leur « souffle. »