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CHAP. IV. — SOPHISTIQUE SOUS LES ANTONINS

d’esprit. Les récits des grands écrivains classiques lui sont familiers ; il en a tout le détail à la fois devant les yeux ; les faits accourent à son appel pour les besoins de sa cause, avec un à-propos étonnant. De là l’intérêt qu’offrent ces discours pour la connaissance des événements dont il parle ; il est vrai qu’il les arrange à sa façon parce qu’il plaide ; mais il les connaît comme un bon avocat connaît le dossier qu’il a étudié. S’agit-il de discuter des opinions ? Même souplesse et mêmes ressources. Quand il défend la rhétorique contre Platon, c’est avec une abondance de raisons qui semble inépuisable. Pas une contradiction de l’adversaire ne lui échappe. Il s’empare de ses aveux, de ses concessions, de ce qu’il a pu dire ailleurs, et il le réfute par ses propres déclarations, pied à pied, en gagnant du terrain à chaque pas. Dans une argumentation si subtile et si abondante, il rencontre souvent la vérité. Mais les objections spécieuses se mêlent trop aux objections sérieuses, ce qui nous inquiète ; et, toujours, ce grand effort d’esprit donne l’impression de quelque chose d’artificiel, dont on se défie, alors même qu’on l’admire dans une certaine mesure.

Cette dialectique, d’ailleurs, est ce qu’il y a de meilleur en lui. Son pathétique est banal, faute de sincérité. Des discours tels que la lamentation funèbre sur Smyrne, qui se composent en grande partie d’apostrophes et de prosopopées, sont pour nous sans intérêt et sans valeur. Là où il faudrait de hautes pensées, des sentiments graves et forts, une philosophie en un mot, on ne trouve que le vide. Ses hymnes oratoires aux dieux ne nous renseignent que vaguement sur les croyances du temps, parce qu’ils ne sont eux-mêmes qu’un tissu d’idées vagues, et qu’ils procèdent, non d’un état de conscience, mais d’une pure habileté technique.

Par son style, Aristide est un des plus attiques entre