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SEXTUS EMPIRICUS

L’importance du livre de Marc-Aurèle, dans l’histoire des idées, c’est de représenter l’état le plus élevé de la conscience morale dans l’hellénisme, avant l’avénement du mysticisme néoplatonicien, et en dehors des influences chrétiennes. Et lorsqu’on veut juger équitablement où en était l’humanité formée par la culture grecque, au moment où le christianisme allait se répandre, ces méditations d’un sage sont un des éléments les plus indispensables de l’enquête à faire.


Il est curieux qu’en face de ce croyant, l’ordre chronologique nous force à placer le plus déterminé des sceptiques. C’est vers la fin du second siècle en effet que le scepticisme grec a produit le livre qui est resté devant la postérité le principal témoin de ses doctrines, celui de Sextus Empiricus.

Sextus, surnommé l’empirique, du nom de la secte médicale à laquelle il appartenait, paraît avoir écrit après Galien, qui ne le nomme jamais, donc au plus tôt dans les dernières années du second siècle. D’autre part, il est antérieur d’une génération à Diogène Laërce, qui parle non seulement de lui, mais de son successeur (IX, 116) ; ce qui ne permet pas de le reculer au delà du commencement du troisième siècle[1]. Qu’il ait tenu école ou non, toujours est-il qu’il prit à tâche de rassembler en un corps tous les arguments inventés par ses prédécesseurs en scepticisme. Il le fit dans deux ouvrages. L’un, plus court, intitulé Esquisses pyrrhoniennes (Πυρρώνειοι ὑποτυπώσεις), est une sorte de formulaire abrégé, qui contient en trois livres tout l’essentiel de la doctrine : les vues générales dans le premier, la réfutation spéciale de la logique dogmatique dans le second, celle de la physique et de la morale dans le troi-

  1. Suidas (Σέξτος) le confond avec Sextus de Chéronée, le neveu de Plutarque et l’un des maîtres de Marc-Aurèle.