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GALIEN ; SA PHILOSOPHIE

sophie de la médecine[1]. Elle se ramène essentiellement à étudier « l’art de la nature » (τέχνη τῆς φύσεως) ; car cet art, le médecin a besoin de le connaître et de le comprendre à fond, pour y conformer sa pratique. La nature a des fins, auxquelles elle arrive par le jeu des forces (φυσικαὶ δυνάμεις) qu’elle a créées et qu’elle entretient. Ces forces résident dans chaque partie de l’organisme ; en s’unissant entre elles, elles constituent par leur association d’autres grandes forces supérieures et collectives. Telles sont la force de création (γεννητική), la force d’accroissement (αὐξητική), la force d’entretien ou d’alimentation (θρεπτική). Les forces particulières, elles, sont en très grand nombre, et c’est d’elles que dépend tout le détail infini des phénomènes qui constituent la vie ; les plus remarquables sont la force d’attraction (ἑλκτική ou ἐπισπαστική), grâce à laquelle chaque organe attire ce qui lui est propre ; la force de rétention (καθεκτική), qui lui permet de le retenir jusqu’à qu’il en ait tiré ce qu’il en doit tirer : la force d’élimination (ἀποκριτική). par laquelle il se débarrasse du superflu. À coup sûr, cette doctrine, qu’il suffit ici de caractériser par ces quelques exemples, n’appartient pas en propre à Galien. Elle est par ses origines hippocratique et péripatéticienne. Mais lorsque Galien l’adopta à son tour, elle était depuis longtemps combattue par les empiriques et les méthodiques, et il fallait, pour la soutenir désormais, réfuter une à une les objections qu’elle avait soulevées. Cette nécessité devait conduire un dialecticien tel que lui à donner aux idées dont elle était faite une cohésion et une vigueur qu’elles n’avaient pas eues jusque-là. C’est donc lui qui les a coordonnées en un vasts système, c’est lui qui les a le premier étudiées

  1. On la trouvera principalement dans le traité Sur Les forces de la nature. Sprengel, Gesch. d. M., section V, c. 6, ne me paraît pas en avoir saisi toute la valeur.