Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
59
ÉPICURISME

à demi sémitiques peut-être, de Zénon ? Le doute, sur ce point, reste permis. Ce qui est sûr, c’est qu’alors pour la première fois s’est fait entendre dans le monde grec une voix qui aura plus tard son écho dans le christianisme, dans l’impératif catégorique de Kant, et qui va susciter, après trois siècles, l’héroïsme pratique des Thraséas, des Épictète, des Marc-Aurèle. Le stoïcisme n’a jamais été que la religion philosophique d’une élite peu nombreuse ; mais il a rendu cette élite si grande, malgré des travers faciles à noter, qu’il mérite une place glorieuse dans l’histoire des doctrines morales.

Au point de vue littéraire, son rôle, au contraire, est médiocre. Nous avons déjà dit que les fondateurs du stoïcisme n’avaient pas été des écrivains au sens artistique du mot. Comme prosateurs, ils ne comptent pas. Le seul monument qui nous reste d’eux est l’Hymne à Zeus de Cléanthe. C’est un beau morceau, mais d’une beauté surtout morale et intellectuelle : Cléanthe a résumé dans ces vers, avec précision, avec force, avec une très noble gravité religieuse, la physique et la morale du stoïcisme. C’est l’œuvre d’un versificateur habile et convaincu, plus encore que d’un grand poète. La mythologie traditionnelle y est mise, selon l’usage des stoïciens, au service des doctrines nouvelles, et les termes techniques de l’école s’y allient, non sans habileté ni sans grâce, aux épithètes homériques. Ce mélange même en fait quelque chose d’intraduisible ; car on ne reconnaîtrait plus, en français, ni les unes ni les autres[1].

V

En même temps que le Stoïcisme, apparaît l’Épicu-

  1. On trouvera plus bas, au chapitre VI, la suite de l’histoire du stoïcisme.