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L’ARIANISME

complu dans une métaphysique abstraite, médiocrement intelligible à la masse. Mais, peu à peu, sous l’influence de la théologie savante du iiie siècle, on en était venu à sentir le besoin de définir avec précision les notions essentielles de la foi. C’était maintenant de la nature même du Christ qu’il s’agissait. L’Arianisme, poussant jusqu’au bout les doctrines que Lucien d’Antioche avait ébauchées au siècle précédent, faisait du fils de Dieu une créature, et par conséquent tendait à restreindre la part du mystère dans la croyance fondamentale. Par suite, l’opinion d’Arius devait plaire à beaucoup d’esprits tempérés, qui, volontiers, auraient « rationalisé » la foi le plus possible. L’orthodoxie s’y opposa résolument : elle jugea qu’en interprétant mal la tradition, l’arianisme faisait déchoir le Christ du rang ou la révélation évangélique l’avait placé. La question ainsi posée ne pouvait manquer de remuer l’âme de tous les croyants. Pour les orthodoxes, c’était l’objet le plus cher de leur adoration qui était en péril, c’était le Dieu même de l’évangile qu’il fallait défendre contre des blasphémateurs. Mais pour les Ariens, c’était la raison qu’ils sentaient compromise par des affirmations téméraires ; et, avec la raison, c’était la notion même de Dieu, le monothéisme, pour tout dire, qui semblait compromis. En fait, il y avait là quelque chose de plus qu’un débat de théologiens : deux tendances d’esprit contraires étaient en présence, et le sujet qui les mettait en lutte était de nature à exciter des sentiments ardents. Comment une telle lutte n’aurait-elle pas exercé son influence sur la littérature ? De part et d’autre, il n’était plus possible de s’enfermer dans l’école. Il fallait agir, combattre, persuader tantôt les peuples, tantôt les évêques, tantôt les empereurs, solliciter, accuser, se défendre. En un mot, l’éloquence était appelée à renaitre, parce que les causes qui la rendent nécessaire venaient de se reproduire