Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/982

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
964
CHAP. VII. — L’ORIENT GREC AU IVe SIÈCLE

mettent tout entière. Ce qu’il faut dire, du moins, c’est que cette œuvre, avec ses exagérations, représente fortement un idéal apostolique qui a exercé une profonde influence en son temps et au delà, et qu’en somme, dans sa chimère d’intransigeance, elle procède d’une âme peu commune.

Par son éloquence, en tout cas, elle s’impose à l’admiration. Chez bien peu d’hommes, la faculté oratoire s’est montrée aussi spontanée et aussi puissante que chez Chrysostome ; et, chez peu d’hommes aussi, elle a été cultivée avec plus de succès. Une nature riche, douée de tout ce qui fait le grand orateur, raison vigoureuse et subtile, imagination, sentiment ; et, avec cela, une éducation achevée, qui a fait passer en lui toute la tradition classique ; l’art des Démosthène et des Isocrate, surajouté à un génie heureux et abondant, de manière à lui faire développer toutes ses ressources en les réglant et en les coordonnant dans une pleine harmonie. De là est sortie une éloquence qui sans doute est loin d’être exempte de défauts, mais qui a passionné ceux qui l’entendirent, et qui nous captive encore, même refroidie.

Si l’on essaye d’en dégager d’abord l’élément essentiel, c’est l’argumentation qu’il faut signaler. Comme tous les grands orateurs, Chrysostome est un homme qui a le besoin et la passion de prouver. La dialectique est en quelque sorte l’exercice naturel de son esprit : toute démonstration à faire devient un objet prochain qui l’attire, qui s’empare de lui, le passionne, met toutes ses facultés en mouvement. L’invention est vraiment étonnante dans son discours, et, comme nous avons vu qu’elle s’appuyait sur l’observation, sur la connaissance précise des choses de la vie, elle est en général aussi solide que variée. Quelquefois, il est vrai, cette faculté, chez lui, touche à l’excès. Ses preuves seraient plus fortes, semble-t-il, s’il y en avait moins. Certaines dé-