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JEAN CHRYSOSTÔME

monstrations auraient même dû être complètement éliminées : il a l’air, en plusieurs occasions, de faire la partie trop belle à ses adversaires pour se donner à lui-même le plaisir de la difficulté, tant il est sûr d’en sortir à son honneur ; curieux indice d’un goût d’ostentation inconsciente, où se trahit l’influence de la sophistique[1]. Mais ce ne sont là que des défauts passagers. Ordinairement, les arguments sont de bon aloi, vraiment tirés du sujet, fondés sur la vérité ou tout au moins sur les convictions de l’orateur, et ils surgissent avec une abondance extraordinaire. Ceux qui viennent de la vie et ceux qui viennent des textes de l’Écriture se mêlent, se confirment, se font valoir mutuellement. Sous ce tissu varié court une pensée active, pressante, infatigable, mais méthodique et maîtresse d’elle-même, qui n’a point de caprices ni d’écarts, qui sait son but et ne le perd jamais de vue. Chaque point important est touché : tout se développe avec aisance, ampleur, sans digressions, et la démonstration marche d’une belle allure par des routes simples et droites.

Chemin faisant, elle fait apparaître d’ailleurs bien des qualités vives et originales. Chrysostome est celui des docteurs chrétiens qui a le plus complètement libéré l’homélie des habitudes didactiques. Chez lui, elle est devenue une simple allocution, tantôt grave, élevée, vraiment éloquente, tantôt familière et spirituelle. Avec une liberté charmante, elle passe du ton du lyrisme à celui de la causerie. Ici, prenant la forme d’une satire, elle abonde en traits piquants et malicieux, même en moqueries ; là, elle ressemble presque à un entretien tout intime : l’orateur pose des questions, s’adresse à chacun en particulier, répond pour ceux qu’il inter-

  1. Voyez, par exemple : Sacerdoce, I, 8 ; Contre Les adversaires de la vie monastique, toute la mise en scène du livre II, et particulièrement ch. 2 et 3.