Page:Croiset - Manuel d’histoire de la littérature grecque, 10e éd.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
23
DÉBUTS DE L’ÉPOPÉE HÉROÏQUE : HOMÈRE

Cette période, nous l’avons dit, semble avoir commencé en Ionie, peu après l’immigration des Grecs, lorsque les premières difficultés, eurent été surmontées, c’est-à-dire au xe siècle avant notre ère, vers l’an 950 avant Jésus-Christ environ. Elle se prolongea pendant deux ou trois siècles, jusque vers 700 ou 650, époque où le genre épique déclina sensiblement, tandis que les genres lyriques, plus en rapport avec les mœurs et les goûts du temps, prenaient leur essor. C’est dans cette période que se place la formation des grandes épopées, dont nous parlerons au chapitre suivant.

7. Caractères généraux de l’art épique. — Avant d’en aborder l’étude, il nous reste à indiquer en quelques mots certains caractères généraux qui étaient communs à toutes les épopées héroïques.

La langue dont se servaient les aèdes n’était pas celle qu’on parlait autour d’eux : c’était une langue conventionnelle. Bien que les poètes et leur public fussent ioniens, leur langue, comme nous l’avons vu, renfermait des éléments éoliens. Cela lui donnait une couleur d’archaïsme, grâce à laquelle elle paraissait plus noble, plus digne des héros et des grandes aventures qu’elle célébrait. Pour la même raison, ils dédaignaient les termes courants et les remplaçaient volontiers par des expressions rares ou déjà vieilles, ils aimaient les mots composés, et ils créaient sans cesse, pour satisfaire ce goût, des épithètes brillantes et sonores, qu’ils se transmettaient ensuite les uns aux autres. Un certain archaïsme se faisait sentir aussi dans leur manière de décliner et de conjuguer : ils gardaient les formes que la mode commençait à délaisser, et ils écartaient celles qu’elle commençait à accueillir. Enfin, ils se plaisaient aux formules traditionnelles, à une phraséologie pompeuse, qui rappelait l’antique poésie religieuse. Tout cela donnait au chant épique quelque chose de solennel, qui transportait les imaginations bien loin de la réalité présente. Nous verrons