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car il faut de la mesure, même quand on s’amuse le plus ! expliqua Stockton, ils se souhaitèrent la bonne nuit et le Méridional pénétra dans la cabine de luxe qui lui servait de logement.

Il n’avait revu au café ni le comte de Borchère, ni les autres joueurs, rentrés chez eux la partie finie.

Marius se déshabilla ; en retirant de sa poche son portefeuille — vide hélas — il réfléchit qu’il ne pourrait le lendemain donner une revanche à ses adversaires et qu’il allait forcément « faire Charlemagne ». Cela l’ennuya un peu. Mais bah ! en somme c’était Stockton qui avait gagné ; et puis, demain, on verrait. Peut-être Ketty s’humaniserait-elle ! Tout en chantonnant, il ferma sa porte à clef et fit ensuite sa toilette de nuit.

Il se mit au lit, tourna quelques feuillets de « Rats et Souris d’Hôtel », bâilla, se détira, posa son livre à côté de sa montre, sur la planchette qui servait de table, éteignit l’électricité et s’endormit.

Bientôt les derniers bruits qu’on entendait encore dans les couloirs feutrés des cabines des premières s’éteignirent et sauf quelques ronflements discrets, le silence le plus profond régna dans cette partie du navire.

Cependant, vers deux heures du matin, une porte s’ouvrit avec précaution, et si le valet de chambre en faction au bout du couloir n’avait pas dormi du sommeil du juste, il aurait vu une ombre se glisser sans bruit jusqu’à la cabine de Marius. L’homme car c’en était un, resta appuyé contre la cloison pendant quelques secondes. On aurait pu entendre « un léger sifflement, puis poussant jusqu’à la porte, ouvrit celle-ci sans que la serrure laissât échapper le plus léger grincement.

L’homme entra dans la cabine, referma la porte, et sans craindre de réveiller Marius, tourna le bouton de l’électricité. La lumière se fit et éclaira un singulier spectacle :

Marius dormait profondément et son sommeil avait quelque chose d’inquiétant. Sa tête renversée sur l’oreiller du lit était pâle et son corps paraissait rigide.

Sans s’occuper de lui, l’homme donna un tour de clef à la serrure et s’enferma avec le dormeur. Le mystérieux visiteur était vêtu complètement de noir, on ne voyait ni ses mains gantées de soie, ni sa figure recouverte d’une espèce de cagoule : il fouilla vivement les poches des vêtements accrochés au porte-manteau, ouvrit la porte de l’armoire, le couvercle de la malle posée sur les tréteaux, visita tout. Laissant échapper un geste de désappointement, il se dirigeait vers la porte, quand il revint vers le lit.

Si Marius eut pu le voir, il eut certes tremblé devant les regards menaçants du fantôme. Celui-ci, tenant à la main droite une arme bizarre ressemblant à une courte et grosse aiguille, se pencha sur lui. Heureusement, le dormeur ne s’éveilla pas ! Alors l’effrayant visiteur passa son bras gauche sous le traversin du lit et ramena dans sa main le portefeuille de Marius.

Fébrilement il en visita les différents compartiments. Rien que des papiers ! Avec un geste de rage, il le rejeta sur le lit. Ses yeux tombèrent alors sur la tablette. Un porte-monnaie, une montre et un livre s’y trouvaient. Dans le porte-monnaie, rapidement visité, quelques francs. Quant au livre, ouvert à la seconde page, il présentait une gravure qui aurait pu passer pour la reproduction photographique du fantastique visiteur ! Était-ce une ironie ? Sans doute il le crut, car l’éclair menaçant reparut