Page:Cros - Le Collier de griffes, 1908.djvu/221

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en le stimulant, pour tirer profit (elle le croyait) du rayonnement de ceux dont elle se rapprochait. Voilà qui est mal, diraient ceux qui jugent les actes, isolés des êtres.

Elle a simulé l’amour, mais c’est à elle-même qu’elle a d’abord fait illusion ; d’où plus de folie, mais moins de laideur. Je savais cela, et je l’ai aimée quand même. Elle a recommencé à mes dépens ; elle m’a effarouché je me suis enfui, mais je l’aime toujours. Car, c’est elle tout entière, avec ses ombres et ses clartés, que j’aime.

Ma fuite n’a donc qu’une signification : elle m’avait donné tout ce qu’elle pouvait d’amour fidèle et vrai, puis j’ai vu que c’était fini. Il y avait là rien que je ne me fusse prédit. Mais le bonheur brisé m’a fait perdre le sens du vrai, puisqu’il y a eu du reproche et de la colère dans ma fuite. Heureusement qu’il n’y a eu que cela ; j’aurais peur de me retrouver en des jours pare ils.

Pourquoi est-ce que je l’aime tant ? Ce n’est pas une brillante maîtresse, puisque les nuits folles, les voluptueux abandons lui font peur, puisqu’elle n’est pas complètement femme. Est-ce l’état de vierge éternelle, de statue attirante que les souillures des satyriaques ne pénètrent pas ?

Elle disait, pourtant, détester mes rêves, mes œuvres, mes amis. À moi, tout ce qu’elle poursuivait paraissait puéril, vide ou malsain. Son type n’est pas de ceux dont je subis le charme immédiat. On m’a dit