Page:Cultru - Un empereur de Madagascar au XVIIIe siècle - Benyowszky.djvu/5

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Chine, il arrive à Lorient avec ses compagnons, ayant fait presque le tour du vieux continent. Un autre eût regagné la Hongrie, souhaité au moins le repos ; mais lui semble ne pouvoir subir la discipline d’une société ordonnée. Il accepte d’aller fonder au nom du roi de France un établissement à Madagascar. Bientôt, ses lettres annoncent qu’il a créé une ville, installé des comptoirs, défriché le sol, exploré l’île entière, dompté les indigènes. Pourtant, des plaintes aussi parviennent à Paris ; les administrateurs des colonies voisines contredisent ses rapports, incriminent ses actes : une enquête est ordonnée, après laquelle, mécontent, mais non pas disgracié, Benyowszky rentre en France. On l’y reçoit donc bien, en dépit de l’enquête défavorable, on lui donne une pension, on le nomme brigadier à la suite ; mais, toujours inquiet, il retourne en Autriche, Colonel de hussards en Bohême, entrepreneur de commerce à Fiume, volontaire en Amérique, où il arrive trop tard, la guerre finie, poursuivant partout et vainement la fortune, il finit par offrir aux princes en quête de terres nouvelles, son prétendu royaume de Madagascar. Rebuté par les ministres anglais, il circonvient un mathématicien sans expérience, persuade cinq à six gentilshommes ruinés, tire quelque argent à deux négriers, frète un navire et retourne vers ceux qu’il nomme ses sujets pour en faire la traite au profit de ses bailleurs de fonds. Mais l’entreprise croule en une catastrophe : pour se procurer des vivres, il avait pillé un poste français ; attaqué par nos troupes, il périt les armes à la main.

On ne s’étonnera pas qu’un pareil homme ait embelli de fictions plus ou moins heureuses des mémoires faits surtout pour séduire des actionnaires ; d’ailleurs, sa correspondance officielle avec le ministre de la Marine prouve qu’il ne se croyait pas le moins du monde tenu de décrire les choses comme elles étaient. Il n’est pas le premier voyageur qui ait pris quelques libertés avec la vérité ; mais on peut affirmer qu’il a dépassé de bien loin les bornes de la licence permise aux gens qui disent du bien d’eux-mêmes, Il est