Page:Cultru - Un empereur de Madagascar au XVIIIe siècle - Benyowszky.djvu/64

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L’envoi des recrues fut fait en partie sur la flûte l’Étoile, en partie sur la Marquise-de-Marbœuf.

Mais les ordres de M. de Boynes ne laissaient pas d’être incomplets. Bien que Benyowszky parut être subordonné au gouverneur de l’île de France, il conservait le droit de correspondre directement avec Paris et jamais les fonctionnaires des îles se crurent autorisés à lui donner des ordres. Il leur était prescrit de lui fournir des vivres et de l’argent pour six mois, mais on ne disait pas qu’il fallût lui continuer ces secours régulièrement. Benyowszky devait-il compter sur le budget de l’île de France tout en ne faisant point partie des cadres administratifs de cette colonie ? Ou bien devait-il recevoir directement de France argent, vivres et recrues, comme il en recevait directement des ordres ?

Ces points n’étaient point précisés dans la lettre de M. de Boynes. Il en résulta que le baron se crut indépendant du gouverneur de l’île de France et se conduisit comme tel ; d’autre part, le gouverneur et l’intendant, jugeant la nouvelle colonie tout à fait en dehors de leur juridiction, parurent peu disposés à faire pour elle plus que le strict nécessaire. On doit remarquer aussi qu’il était bien imprudent de destiner un étranger parlant à peine la langue française et dont on n’avait jamais éprouvé les talents ni le caractère, pour fonder une colonie dans une île aussi mal connue que l’était Madagascar, où lui-même n’avait jamais abordé, en lui laissant par surcroît le choix du lieu où il s’établirait, sans lui assigner ni droits certains, ni relations administratives régulières, ni secours assurés en hommes et en argent. Il est vraiment étrange que, trois ans plus tard, Benyowszky ait pu dire qu’il n’avait jamais été mis au courant des desseins du ministre. Il est donc probable que cette affaire fut laissée comme tant d’autres à la décision d’un commis et que le comte de Boynes signa, sans y attacher d’importance, cet ordre dans lequel il ne s’agissait après tout que de 200 étrangers ou vagabonds destinés à renouveler, à leurs risques, un essai manqué de colonisation.