l’abandon de l’un des deux par une lumière plus effrayante que les ténèbres. Eux seuls, hélas ! furent sûrs d’être exaucés ; eux seuls purent jouir sans terreur des momens qui leur restoient encore ; eux seuls purent résigner sans regret l’inquiète et flatteuse existence. Leur dernier souffle se confondit, leurs derniers regards se rencontrèrent ; ils ne se quittèrent point, et ils ne crurent pas quitter la vie. Où sont-ils, ces deux arbres qui les recouvrirent de leur vivante écorce : je veux m’asseoir sous leur ombre ; je veux me pénétrer avec eux de la rosée du Ciel, et me couronner de ces feuillages dont l’éternelle fraîcheur, pareille aux amours de Philémon, brave encore la rigueur des hivers.
C’est ainsi que les anciens, plus délicats que nous, ont choisi l’âge avancé, la pauvreté et la privation d’enfans, pour peindre le bonheur d’une union sans tache et sans intervalle. Ils semblent nous dire : « Dépouillez l’homme de tous ces avantages, ôtez-lui les objets de son ambition, courbez-le sous la faux du temps ; si vous lui laissez un cœur qui l’aime, l’univers lui appartient encore, et le vice sera contraint d’envier jusqu’aux malheurs de la vertu. »