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dimensions et de mobilité différentes, il semble toutefois que l’ion négatif soit susceptible de prendre des dimensions très inférieures à celles d’un atome, avec une masse qui ne dépasse pas de celle d’un atome d’hydrogène. Cette réduction de dimensions se produit pour l’ion négatif quand il est obtenu par un procédé quelconque dans un bon vide ou à une température très élevée ; elle est aussi favorisée par l’existence d’un champ électrique intense dans la région où se produit l’ionisation (voir § 13).

On facilite donc la production de ces corpuscules négatifs de petitesse extrême en réalisant les conditions qui tendent à les mettre en un état de mouvement violent ou à empêcher leur rencontre avec les molécules gazeuses. Quand ces conditions ne sont pas remplies, il y a production d’ions négatifs plus gros ; on admet alors que chacun de ces ions contient comme noyau le corpuscule extrêmement petit ou électron qui aurait été formé dans le vide, et que l’ion tel qu’il est observé résulte d’une agglomération matérielle formée autour de ce noyau.

L’expérience montre que l’ion positif n’éprouve pas de réduction de dimensions aussi importante que celle qui peut avoir lieu pour un ion négatif. Sa masse, probablement supérieure à celle d’une molécule dans les gaz froids sous pression atmosphérique, devient comparable à celle d’un atome dans les conditions qui favorisent la dislocation des agglomérations. On peut donc admettre que le noyau lui-même de l’agglomération est de dimensions atomiques.

Nous arrivons ainsi à la conception suivante de la production d’ions à partir d’une molécule :

Sous l’action d’une radiation ou de certaines autres causes, une molécule est scindée en deux parties inégales : un corpuscule chargé négativement ou électron et la partie restante de la molécule chargée positivement. Ces deux noyaux peuvent soit subsister à cet état, si les conditions le permettent ; soit s’entourer d’agglomérations matérielles plus ou moins importantes dont la formation est due à l’attraction électrostatique exercée par les noyaux. Dans le cas des petits ions ordinaires, ces agglomérations sont vraisemblablement composées d’un petit nombre de molécules non ionisées du gaz où les noyaux ont pris naissance. Dans le cas de gros ions, la nature des agglomérations peut être plus complexe et n’est pas très bien connue.