en liberté, insistant sur chaque circonstance, afin de lui prouver qu’elle ne devait rien à personne. On faisait alors une espèce de trafic des libertés ; une foule d’intrigants rançonnaient, après leur élargissement, les malheureux prisonniers, pour la plupart ruinés par la Révolution.
Une grande dame, alliée d’assez près à ma mère, n’eut pas honte de lui demander 30 000 francs qu’elle avait dépensés, disait-elle, en corruptions pour obtenir sa sortie de prison. Ma mère répondit tout simplement par l’histoire de Rossigneux, et elle ne revit jamais sa parente.
Que retrouva-t-elle en rentrant chez elle ? sa maison dévastée, les scellés encore apposés sur son appartement, ma bonne logée dans la cuisine avec moi, qui avais deux ans et demi, et qui étais resté sourd et imbécile à la suite de la maladie qui m’avait mis presque à la mort.
Ce que ma mère eut à souffrir lors de ce retour à la liberté brisa ses forces ; elle avait résisté aux terreurs de l’échafaud en se résignant chaque soir à mourir avec courage ; la grandeur du sacrifice soutenait son esprit et son corps, mais elle succomba à la misère. La jaunisse se déclara le lendemain de son retour chez elle. Cette maladie dura cinq mois ; il lui en resta une affection du foie dont elle a souffert toute sa vie.