Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/157

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elle vient à casser je manquerai le départ du paquebot. Donc si vous connaissiez une meilleure route, je la prendrais, fût-elle plus longue.

— Tout ce que je puis vous dire, » répliqua-t-il d’un ton officiel, « c’est que j’ai indiqué celle-ci à monseigneur*** (le neveu de son souverain) ; vous ne sauriez donc mieux faire que de la suivre.

— Les voitures des princes, » repris-je, « ont peut-être des priviléges comme leurs personnes. Les princes ont des corps de fer, et je ne voudrais pas vivre un jour comme ils vivent toute l’année. »

On ne me répondit pas à ce mot, que j’aurais cru fort innocent, s’il n’eût paru séditieux à l’homme d’État allemand.

Ce grave et prudent personnage, tout contristé de mon excès d’audace, s’éloigna de moi aussitôt qu’il put le faire sans trop de franchise. Quelle excellente pâte d’homme ! Il est certains Allemands qui sont nés sujets ; ils étaient courtisans avant d’être hommes. Je ne puis m’empêcher de me moquer de leur obséquieuse politesse, tout en la préférant de beaucoup à la disposition contraire que je blâme chez les Français. Mais le ridicule aura toujours les premiers droits sur mon esprit, rieur en dépit de l’âge et de la réflexion. Au reste, une route, une vraie grande route ne tardera pas à être ouverte entre Lubeck et Schwerin[1].

  1. Elle est faite.