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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/253

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douaniers qui la font charger par des hommes de peine d’un vaisseau sur l’autre ; opération toujours assez scabreuse, mais dont les inconvénients deviennent graves à Kronstadt, à cause du peu de soin des hommes auxquels on la confie.

Les princes russes furent obligés comme moi, simple étranger, de se soumettre à la loi de la douane ; cette égalité me plut tout d’abord ; mais en arrivant à Pétersbourg je les vis délivrés en trois minutes, et moi j’eus à lutter trois heures contre des tracasseries de tout genre : Le privilége, un moment assez mal déguisé sous le niveau du despotisme, reparut, et cette résurrection me déplut.

Le luxe des petites précautions superflues engendre ici une population de commis ; chacun de ces hommes s’acquitte de sa charge avec une pédanterie, un rigorisme, un air d’importance uniquement destiné à donner du relief à l’emploi le plus obscur ; il ne se permet pas de proférer une parole, mais on le voit penser à peu près ceci :

« Place à moi, qui suis un des membres de la grande machine d’État. »

Ce membre, fonctionnant d’après une volonté qui n’est pas en lui, vit autant qu’un rouage d’horloge ; pourtant on appelle cela l’homme, en Russie !… La vue de ces automates volontaires me fait peur ; il y a quelque chose de surnaturel dans un individu réduit