Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/260

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long à remplir sa charge ; la conversation à soutenir est un soin qui complique les fonctions de ce cerbère musqué, musqué à la lettre, car il sent le musc d’une lieue. Enfin nous sommes débarrassés des cérémonies de la douane, des politesses de la police, délivrés des saluts militaires et du spectacle de la plus profonde misère qui puisse défigurer la race humaine, car les rameurs de messieurs de la douane russe sont des créatures d’une espèce à part. Comme je ne pouvais rien pour elles, leur présence m’était odieuse, et chaque fois que ces misérables amenaient à notre bord les officiers de tous grades employés au service des douanes et de la police maritime, la plus sévère police de l’Empire, je détournais les yeux. Ces matelots en haillons déshonorent leur pays : ce sont des espèces de galériens huileux qui passent leur vie à transporter les commis et les officiers de Kronstadt à bord des vaisseaux étrangers. En voyant leurs figures et en pensant à ce qui s’appelle exister pour ces infortunés, je me demandais ce que l’homme a fait à Dieu pour que soixante millions de ses semblables fussent condamnés à vivre en Russie.

Au moment d’appareiller, je m’approchai du prince K***.

« Vous êtes Russe, lui dis-je, aimez donc assez votre pays pour engager le ministre de l’intérieur ou celui de la police à changer tout cela : qu’il se dé-