Aller au contenu

Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 1, Amyot, 1846.djvu/84

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la porte se referme, et là commence à voix basse une scène que vous vous figurerez mieux que je ne pourrai vous la décrire. D’ailleurs ma mère n’a trouvé la force de me la conter qu’une seule fois, il y a bien longtemps, et encore en abrégeant les détails.

« Vous ne voulez plus vous sauver, » dit ma mère en entrant ; votre fils va donc rester orphelin, car je mourrai aussi, moi.

— Sacrifier la vie de cette fille pour conserver la mienne : c’est impossible.

— Tu ne la sacrifieras pas ; elle se cachera et se sauvera avec nous.

— On ne se cache plus en France, on ne sort plus de ce malheureux pays ; ce que tu demandes à Louise est plus que son devoir.

— Monsieur, sauvez-vous, » dit Louise ; « c’est devenu mon affaire, à moi.

— Tu ne connais donc pas la loi décrétée hier ? » Et il commence à lire. Louise l’interrompt : Je sais tout cela ; mais, monsieur, encore une fois, sauvez-vous ; je vous en supplie : je vous le demande à genoux (elle se jette aux pieds de mon père), sauvez-vous ; j’ai mis mon bonheur, ma vie, mon honneur dans notre projet. Vous m’aviez promis de faire ma fortune, vous ne serez peut-être pas en état de tenir votre parole. Eh bien ! monsieur, je veux vous sauver pour rien. Les trente mille francs