Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/128

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lousies qui naissent de la concurrence ; il est l’expression d’une souffrance positive, l’indice d’une maladie organique.

Je crois que de toutes les parties de la terre, la Russie est celle où les hommes ont le moins de bonheur réel. Nous ne sommes pas heureux chez nous, mais nous sentons que le bonheur dépend de nous ; chez les Russes, il est impossible. Figurez-vous les passions républicaines (car encore une fois sous l’Empereur de Russie règne l’égalité fictive) bouillonnant dans le silence du despotisme ; c’est une combinaison effrayante, surtout par l’avenir qu’elle présage au monde. La Russie est une chaudière d’eau bouillante bien fermée, mais placée sur un feu qui devient toujours plus ardent : je crains l’explosion ; et ce qui n’est pas fait pour me rassurer, c’est que l’Empereur a plusieurs fois éprouvé la même crainte que moi dans le cours de son règne laborieux : laborieux dans la paix comme dans la guerre ; car de nos jours les empires sont comme des machines qui s’usent au repos. L’inquiétude dans l’inaction les dévore.

C’est donc cette tête sans corps, ce souverain sans peuple qui donne des fêtes populaires. Il me semble qu’avant de faire de la popularité, il faudrait faire un peuple.

À la vérité ce pays se prête merveilleusement à tous les genres de fraude ; il existe ailleurs des es-