Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/154

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ni rire, ni chanter, ni se quereller, ni jouer, ni danser, ni courir, on dirait d’une troupe de prisonniers près de partir pour le lieu de leur destination. Encore un souvenir de la Sibérie !… Ce qui manque à tout ce que je vois ici, ce n’est assurément ni la grandeur ni la magnificence, ni même le goût et l’élégance : c’est la gaieté ; la gaieté ne se commande pas ; au contraire, le commandement la fait fuir. comme le cordeau et le niveau détruisent dans une ville les tableaux pittoresques. Je n’ai rien vu en Russie qui ne fût symétrique, qui n’eût l’air ordonné ; ce qui donnerait du prix à l’ordre, la variété, d’où naît l’harmonie, est inconnu ici.

Les soldats au bivouac sont soumis à une discipline plus sévère qu’à la caserne : tant de rigidité en pleine paix, en plein champ et un jour de fête, me rappelle le mot du grand-duc Constantin sur la guerre : « Je n’aime pas la guerre, disait-il ; elle gâte les soldats, salit les habits et détruit la discipline.

Ce prince militaire ne disait pas tout ; il avait un autre motif pour ne pas aimer la guerre. C’est ce qu’a prouvé sa conduite en Pologne.

Le jour du bal et de l’illumination, à sept heures du soir, on se rend au palais Impérial. Les personnes de la cour, le corps diplomatique, les étrangers invités et les soi-disant gens du peuple admis à la fête,