Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/160

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consomption, le marasme, on craint surtout pour elle l’hiver de Pétersbourg ; mais rien ne la déciderait à passer six mois loin de l’Empereur[1].

À la vue de cette figure intéressante, mais dévastée par la souffrance, errant comme un spectre au milieu d’une fête qu’on appelle la sienne, et qu’elle ne reverra peut-être plus, je me sens le cœur navré ; et tout ébloui que je suis du faste des grandeurs humaines, je fais un retour sur les misères de notre nature. Hélas ! plus on tombe de haut et plus rude est la chute. Les grands expient en un jour, dès ce monde, toutes les privations du pauvre pendant une longue vie.

L’inégalité des conditions disparaît sous le court et pesant niveau de la souffrance. Le temps n’est qu’une illusion dont la passion s’affranchit : l’intensité du sentiment, plaisir ou douleur, telle est la mesure de la réalité… Cette réalité fait tôt ou tard sa part aux idées sérieuses dans la vie la plus frivole ; et le sérieux forcé est amer autant que l’autre eût été doux. À la place de l’Impératrice je n’aurais pas voulu laisser célébrer ma fête hier, si toutefois j’avais eu le pouvoir de me soustraire à ce plaisir d’étiquette.

Les personnes, même les plus haut placées, sont mal inspirées lorsqu’elles prétendent s’amuser à jour

  1. L’année suivante les eaux d’Ems ont rendu la santé à l’Impératrice.