Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/161

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fixe. Une date solennisée chaque année ne sert qu’à faire mieux sentir les progrès du temps par la comparaison du présent et du passé. Les souvenirs, bien qu’on les célèbre par des réjouissances, nous inspirent toujours une foule d’idées tristes ; la première jeunesse évanouie, nous entrons dans la décadence ; au retour de chaque fête périodique nous avons quelques joies de moins avec quelques regrets de plus : l’échange est pénible ! Ne vaudrait-il pas mieux laisser les jours fuir en silence ? Voix plaintives de la mort, les anniversaires sont les échos du temps ; ils n’apportent à l’oreille de l’âme que des paroles douloureuses.

Hier, à la fin du bal que je vous ai décrit, on soupa ; puis, tout en nage, car la chaleur des appartements où se pressait la foule était insupportable, on monta dans les voitures de la cour qu’on appelle des lignes ; alors on s’est mis à faire le tour des illuminations par une nuit très-noire, sous une rosée dont heureusement la fraîcheur était tempérée par la fumée des lampions. Vous ne pouvez vous figurer la chaleur qui rayonnait dans toutes les allées de cette forêt enchantée, tant l’incroyable profusion de feux dont nous étions éblouis chauffe le parc en l’éclairant !

Les lignes sont des espèces de chars à bancs doubles, où huit personnes s’asseyent commodément dos à dos ; leur forme, leurs dorures, les harnais antiques