Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

apposer les scellés sur la porte de la maison vide. Elle est voisine de la mienne, circonstance sans laquelle je ne vous aurais pas raconté ce fait, car je l’ignorerais, comme j’en ignore bien d’autres. Le crépuscule de la politique est moins transparent que celui du ciel polaire. Pourtant, tout bien pesé, la franchise serait un meilleur calcul, car lorsqu’on cache un peu je suppose beaucoup.

Voici l’autre épisode de la catastrophe de Péterhoff :

Trois jeunes Anglais, dont je connais l’aîné, étaient depuis quelques jours à Pétersbourg ; leur père est en Angleterre, et leur mère les attend à Carlsbad. Le jour de la fête de Péterhoff, les deux plus jeunes s’embarquent sans leur frère qui se refuse à leurs instances en répondant toujours qu’il n’est pas curieux ;… donc, s’obstinant à rester, il voit partir en petite barque ses deux frères qui lui crient : à demain !… Trois heures après, tous deux avaient péri avec plusieurs femmes, quelques enfants et deux ou trois hommes qui se trouvaient sur le même bateau ; un matelot de l’équipage, bon nageur, s’est sauvé seul. Le malheureux frère qui survit, presque honteux d’exister, est dans un désespoir difficile à peindre ; il s’apprête à partir pour aller annoncer cette nouvelle à sa mère ; elle leur avait écrit de ne pas renoncer à la fête de Péterhoff, accordant toute latitude à leur curiosité