Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/197

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s’ils désiraient prolonger leur voyage, et leur répétant qu’elle les attendrait patiemment à Carlsbad. Avec plus d’exigence elle leur eût peut-être sauvé la vie.

Vous figurez-vous les mille récits, les discussions, les propos de tous genres, les conjectures, les cris auxquels de pareils événements donneraient lieu dans tout autre pays que celui-ci, et surtout dans le nôtre ? Que de journaux diraient, et que de voix répéteraient que la police ne fait jamais son devoir, que les bateaux sont mauvais, les bateliers avides, et que l’autorité, loin de remédier au danger, l’aggrave, soit par son insouciance, soit par sa cupidité ; on ajouterait que le mariage de la grande-duchesse a été célébré sous de tristes auspices, comme bien d’autres mariages de princes ; et alors les dates, les allusions, les citations abonderaient !… Ici rien !!! Un silence plus effrayant que le malheur lui-même !… Deux lignes dans la gazette sans détails, et à la cour, à la ville, dans les salons du grand monde, pas une parole : si l’on ne parle pas là on ne parle guère ailleurs : il n’y a pas de cafés à Pétersbourg pour y commenter des journaux qui n’existent pas ; les petits employés sont plus timorés que les grands seigneurs, et ce que l’on n’ose dire chez les chefs se dit encore moins chez les subordonnés ; restent les négociants et les boutiquiers : ceux-ci sont cauteleux comme tout ce qui veut vivre