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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/198

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et prospérer dans ce pays. S’ils parlent sur des sujets graves et dès lors périlleux, ce n’est qu’à l’oreille et en tête-à-tête[1].

La Russie s’est donné le mot pour ne rien dire qui puisse rendre l’Impératrice nerveuse, et voilà comme on la laisse vivre et mourir en dansant ! « Elle serait affligée, taisez-vous ! » Là-dessus, enfants, amis, parents, tout ce qu’on aime se noie et l’on n’ose pleurer. On est trop malheureux pour se plaindre.

Les Russes sont toujours courtisans : soldats de caserne ou d’église, espions, geôliers, bourreaux, dans ce pays, tous font plus que leur devoir : ils font

  1. Je crois devoir insérer ici l’extrait d’une lettre qui m’a été écrite cette année par une femme de mes amies ; ce récit n’ajoute rien aux détails que vous venez de lire, si ce n’est que la singulière prudence d’un étranger, d’un artiste en causant dans un salon de Paris où il raconta un événement arrivé trois ans auparavant à Pétersbourg, vous donne mieux l’idée de l’oppression des esprits en Russie, que ce que je puis vous en dire moi-même.
    « Un peintre italien qui se trouvait en même temps que vous à Saint-Pétersbourg, est maintenant à Paris. Il racontait, comme vous me l’avez racontée, cette catastrophe où périrent à peu près quatre cents individus. Le peintre faisait son récit tout bas. Eh bien ! je sais cela, lui dis-je, mais pourquoi dites-vous cela tout bas ? — Oh ! c’est que l’Empereur a défendu qu’on en parlât. »
    « J’ai admiré cette obéissance malgré le temps et les distances. Mais vous, qui ne pouvez tenir une vérité captive, quand publierez-vous votre voyage ? »
        Je joins encore ici un extrait des beaux articles imprimés dans le