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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/205

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traiter avec égard, et cela dans toutes les classes : le cocher de droschki salue imperturbablement son camarade, qui n’a garde de passer à côté de lui sans lui rendre révérence pour révérence ; le portefaix salue le badigeonneur, et ainsi des autres. Le chapeau et le bâton sont ici des objets de première nécessité. Les coups de verges (en Russie la verge est un grand roseau fendu) et les inclinations de tête distribués à doses égales, s’emploient efficacement dans l’éducation sociale de ce peuple étiqueté plutôt que policé ; son urbanité me paraît jouée ou du moins forcée, et, malgré cela, cette apparence d’aménité contribue à l’agrément de la vie. Si la politesse menteuse a tant d’avantages, quel charme ne devrait pas avoir la vraie politesse, la politesse du cœur ?

On ne peut être battu en Russie que dans telle classe et par un homme de telle autre classe. Ici les mauvais traitements sont réglés comme un tarif de douane ; ceci rappelle le code d’Ivan. La dignité de la caste est admise, mais, jusqu’à présent, nul n’a songé à faire passer dans les lois ni même dans les usages la dignité de l’homme. Rappelez-vous ce que je vous ai dit de la politesse des Russes de toutes les classes. Je vous laisse à penser ce que vaut cette urbanité, et je me borne à vous raconter quelques unes des scènes qui se passent journellement sous mes yeux.