Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/207

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arrêt souverain, comme on cède à quelque commotion de la nature ; cependant, les passants n’étaient nullement émus de tant de cruauté, même un des camarades du patient qui faisait boire ses chevaux à quelques pas plus loin, obéissant à un signe du feldjæger irrité, était accouru pour tenir en bride la monture de ce personnage public, pendant tout le temps qu’il lui plairait de prolonger l’exécution. Allez dans tout autre pays demander à un homme du peuple son assistance pour une exécution contre un camarade arbitrairement puni !… Mais l’emploi et l’habit de l’homme qui donnait les coups lui assuraient le droit de battre à outrance le cocher de fiacre qui les recevait ; la punition était donc légitime ; moi je dis : tant pis pour le pays où de pareils actes sont légaux.

La scène que je vous raconte se passait dans le plus beau quartier de la ville, à l’heure de la promenade. Quand le malheureux battu fut relâché, il essuya le sang qui ruisselait le long de ses joues, et remonta tranquillement sur son siége en recommençant le cours de ses révérences à chaque rencontre nouvelle.

Le délit, quel qu’il fût, n’avait cependant causé aucun accident grave. Notez que cette abomination s’exécutait avec un ordre parfait en présence d’une foule silencieuse, et qui loin de songer à défendre ou à excuser le coupable, n’osait même pas s’arrêter