Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/227

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qui s’adressent ses paroles, et ne pas faire égorger sa noblesse par tendresse pour ses serfs. Ce discours, interprété par des hommes sauvages et envieux, mis toute une province en feu. Puis il a fallu punir le peuple des crimes qu’on lui avait fait commettre. « Le Père veut notre délivrance, s’écrient sur les bords du Volga les députés revenus de leur mission. Il n’aspire qu’à faire notre bonheur, il nous l’a dit lui-même, ce sont donc les seigneurs et tous leurs préposés qui sont nos ennemis et qui s’opposent aux bons desseins du Père ! vengeons-nous, vengeons l’Empereur ! » Là-dessus les paysans croient faire une œuvre pie en se jetant sur leurs maîtres, et voilà tous les seigneurs d’un canton et tous les intendants massacrés à la fois avec leurs familles. Ils embrochent l’un pour le faire rôtir tout vif, ils font bouillir l’autre dans une chaudière, ils éventrent les délégués, tuent de diverses manières les préposés des administrations, ils font main basse sur tout ce qu’ils rencontrent, mettent des villes entières à feu et à sang, enfin ils dévastent une province, non pas au nom de la liberté, ils ne savent ce que c’est, mais au nom de la délivrance et au cri de Vive l’Empereur ! mots clairs et bien définis pour eux.

— C’est peut-être quelques-uns de ces cannibales que nous venons de voir passer dans la cage aux prisonniers. Savez-vous qu’il y aurait de quoi tempérer