Aller au contenu

Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

notre indignation philanthropique…… Menez donc de tels sauvages avec les moyens de douceur que vous exigez des gouvernements de l’Occident !

— Il faudrait changer graduellement l’esprit des populations ; au lieu de cela on trouve plus commode de changer leur domicile ; à chaque scène du genre de celle-ci on déporte en masse des villages, des cantons tout entiers ; nulle population n’est assurée de garder son territoire ; le résultat d’un tel système, c’est que l’homme attaché comme il est à la glèbe n’a pas même dans l’esclavage l’unique dédommagement que comporte sa condition : la fixité, l’habitude, l’attachement à son gîte. Par une combinaison infernale il est mobile sans être libre. Un mot du souverain le déracine comme un arbre, l’arrache à sa terre natale et l’envoie périr ou languir au bout du monde : que devient l’habitant des champs transplanté dans un village qui ne l’a pas vu naître, lui dont la vie est liée à tous les objets qui l’environnent[1] ? Le paysan exposé à ces ouragans du pouvoir suprême n’aime plus sa cabane, la seule chose qu’il pût aimer en ce monde : il déteste sa vie et méconnaît ses devoirs, car il faut donner quelque bonheur à l’homme pour lui faire comprendre ses obligations ; le malheur ne l’in-

  1. Le Russe souffre moins qu’un autre de ce changement, grâce à l’aspect monotone de la nature dans son pays, et à la simplicité de ses habitudes ; c’est ce que j’ai prouvé ailleurs. (N. de l’Auteur.)